UTAMARO (KITAGAWA)

UTAMARO (KITAGAWA)
UTAMARO (KITAGAWA)

Utamoro a longtemps été en Occident le plus réputé parmi les peintres d’estampes japonaises, en raison du retentissement de sa «découverte» par les Goncourt à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, il s’affirme comme un des plus grands maîtres de cet art. Élevé dans un milieu littéraire, cultivé, il s’est initié à l’art de l’estampe, à travers les œuvres de Harunobu, Kory sai, Shunsh 拏, qui connaissaient alors une grande vogue.

Un maître de l’illustration

Il semble que Kitagawa Utamaro soit né en 1753 et que sa jeunesse se soit passée à Edo (T 拏ky 拏) sous l’égide de Toriyama Sekien, poète et peintre de la lignée des Kan 拏, qui devait ouvrir, vers 1770, une école où l’on enseignait aussi le style de l’ukiyo-e . Entre 1775 et 1780, sous la signature de Toyosh 拏 ou Toyoaki, Utamaro illustre des petits livres populaires de nouvelles ou de pièces de théâtre kabuki , les kiby 拏shi . Vers 1779, remarqué par l’éditeur Tsutaya J zabur 拏, grand protecteur des artistes, il quitte son vieux maître et s’établit auprès de son nouveau bienfaiteur. Il y demeura jusqu’à la mort de ce dernier, en 1797, et il eut ainsi l’occasion d’établir des contacts fructueux. En 1781, il adopta le nom d’Utamaro, signant d’abord Utamaro ga (peint par), puis Utamaro hitsu (du pinceau de).

Dans ses premières estampes, qui représentent des légendes et des scènes dans les quartiers de plaisir, l’influence de Harunobu et d’autres artistes contemporains est manifeste. Après la mort de Sekien, en 1788, Utamaro se considère enfin comme un artiste véritablement indépendant. De cette année date un ensemble de douze 拏ban érotiques, Le Poème de l’oreiller , où il allie l’audace à la délicatesse. D’autre part, des livres illustrés en couleurs témoignent d’un don d’observation et d’un raffinement exceptionnels: tels sont Le Livre illustré des insectes (1788), où vers luisants, chenilles, mantes religieuses sont associés aux herbes et aux plantes, Les Dons de la marée basse (1789), avec ses coquillages nacrés, Les Poèmes satiriques sur les oiseaux (1790). Sekien avait d’ailleurs noté que son élève, dans son enfance, aimait à jouer avec les libellules et les criquets, à en contempler les moindres détails.

Le peintre de la femme

De 1788 à 1800 environ, ce sera la période des chefs-d’œuvre. Utamaro s’y consacrera surtout à l’un des genres spécifiques de l’ukiyo-e : la peinture des jolies femmes (bijin-ga ). Au début, il est influencé par les compositions majestueuses et comme aériennes de son grand contemporain Kiyonaga, mais très vite son style s’affirme et révèle un génie bien différent. Il donne un poids, un volume plus réels aux corps féminins, il ne craint pas de représenter le nu, si rare dans la peinture japonaise, il confère une signification psychologique à l’expression des visages et aux gestes. L’œuvre d’Utamaro sera considérable: outre Tsutaya J zabur 拏, il a travaillé pour une quarantaine d’imprimeurs. Il illustre tous les aspects de la vie féminine à Edo: les fêtes, les jeux, les excursions aux différentes saisons, les scènes dans les quartiers de plaisir.

Mais c’est la femme dans sa vie intime qui l’intéresse au premier chef. Il la montre dans son intérieur, avec un enfant, dans ses activités diverses: se coiffant, se fardant, au sortir du bain, lisant, fumant, rêvant; ou dans de grandes scènes où des groupes de femmes sont occupées au tissage, à la couture, à la cuisine, ou encore en voyage. Les silhouettes sont élancées, élégantes, les attitudes justes.

Il observe aussi la femme dans les différentes classes de la société: prostituées, courtisanes, serveuses des maisons vertes, jeunes femmes de la bourgeoisie, femmes du peuple, indiquant cette diversité par la variété du vêtement et du maintien, traitant minutieusement les formes des kimonos, les décors des tissus, pour lesquels il semble qu’il ait donné des recueils de modèles. Ses séries les plus célèbres sont: Les Douze Heures des quartiers de plaisir , où l’on voit les courtisanes au repos, à la toilette, au coucher; Les Encres de cinq couleurs du pays du Nord , allusion à un club de poésie au Yoshiwara; Neige , lune , fleur , Le Cadran solaire des jeunes filles , Les Douze Heures des maisons vertes , Le Miroir choisi des occupations féminines . Cependant, l’originalité la plus marquante d’Utamaro réside dans ses portraits «à la ressemblance» (nigao-e ), pour lesquels il utilise, à partir de 1791, des portraits en buste ou de grandes têtes ( 拏kubi-e ). Dans les admirables séries Les Dix Études de physiognomonie féminine , Les Dix Types de visages féminins , il explore la psychologie de ses personnages saisis en un instant précis d’anxiété, de lassitude, d’attente amoureuse, etc., ou rend les attitudes des idoles des maisons de thé, telles O-hisa, O-kita, Toyohira, qui furent ses modèles favoris. D’un tout autre genre, la série de Yamauba et Kintar 拏 (la femme de la montagne et l’enfant qu’elle a recueilli) met l’accent sur la beauté des chairs blanches contrastant avec la longue et fine chevelure noire. Dans le même esprit, le triptyque des Pêcheuses d’Awabi , une de ses œuvres les plus célèbres, se distingue par le groupement souple des corps nus et aussi par la sensualité du trait.

Au sommet de son art, dans cette période de réussites éclatantes, Utamaro se caractérise par l’harmonie subtile, variée à l’infini, de sa gamme colorée qu’équilibrent de larges masses noires. Ses fonds se réduisent le plus souvent à une teinte jaune unie, scintillante de mica ou de poudre d’or, qui fait ressortir le dessin ferme des sujets. La recherche du réel le conduit parfois à cerner les chairs de rouge léger au lieu de noir, ou à s’abstenir de tout contour pour délimiter le galbe des visages et des bras. Ses compositions, très savantes, se signalent par le dynamisme des groupements, par la continuité de la ligne, franche et souple. Enfin, il utilise toutes les ressources techniques du nishiki-e , usant en particulier d’effets de transparence qui accentuent l’impression de profondeur et conduisent à de délicates variantes dans les tonalités: femmes sous une moustiquaire, femmes examinant un tissu léger qui les dissimule en partie, etc.

Vers la fin de sa vie, Utamaro eut à souffrir des rigueurs de la censure qui s’élevait contre les représentations de la vie de plaisirs. Sous cette contrainte, il s’efforça de varier ses thèmes, mais il ne retrouva plus la fraîcheur de son inspiration ni la fluidité de son trait. Ayant, de plus, encouru les foudres des autorités pour avoir, dans un triptyque, fait allusion au héros national du XVIe siècle, Hideyoshi, il fut en 1804 condamné à trois jours de prison et à cinquante jours de carcan. Il semble s’être mal remis de cette humiliation et mourut à T 拏ky 拏 deux ans plus tard.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Utamaro Kitagawa — Utamaro Naissance 1753 dans la région de Edo ? Décès 1806 à Edo Nationalité japonais Activité(s) graveur, peintre Maître Toriyama Sekien Élèves Utamaro II, Kikumaro, Hidemaro …   Wikipédia en Français

  • Utamaro, Kitagawa — (1753 Kawagoe 6/19/ or 10/31/1806 Edo) (Japan); aka Toriyamauta maro, Minamoto / Nobuyoshi / Ichitaro / Yuki / Feude No Ayamaru / Toyoaki / Ikke, Shiokurjisei    Painter and woodcut artist. One of the most renowned Ukiyo e artists, especially… …   Dictionary of erotic artists: painters, sculptors, printmakers, graphic designers and illustrators

  • Utamaro, Kitagawa — pseud. di Toriyama Shimbi …   Sinonimi e Contrari. Terza edizione

  • Utamaro — est un nom japonais traditionnel ; le nom de famille (ou le nom d école), Kitagawa, précède donc le prénom (ou le nom d artiste) Utamaro. Kitagawa Utamaro Ase o fuku onna (Femme essuyant la sueur de son visage), par …   Wikipédia en Français

  • Kitagawa Utamaro — Utamaro Kitagawa Utamaro Naissance 1753 dans la région de Edo ? Décès 1806 à Edo Nationalité japonais Activité(s) graveur, peintre Maître Toriyama Sekien Élèves Utamaro II, Kikumaro, Hidemaro …   Wikipédia en Français

  • Utamaro — (Kitagawa) (1753 1806) peintre japonais; un des maîtres de l estampe …   Encyclopédie Universelle

  • Utamaro — Utamaro,   eigentlich Kitagawa Utamaro, japanischer Maler und Zeichner für den Farbholzschnitt, * Kawagoe 1753 oder 1754, ✝ Edo (heute Tokio) 31. 10. 1806; veröffentlichte 1788 90 zeichnerisch und drucktechnisch hervorragende Bücher mit Bildern… …   Universal-Lexikon

  • Kitagawa — Kitagawa,   japanischer Zeichner für Holzschnitt und Maler, Utamaro …   Universal-Lexikon

  • Utamaro — Ase o fuku onna, wood print of woman wiping sweat from her brow, 1798 Kitagawa Utamaro (喜多川 歌麿?, ca. 1753 – October 31, 1806) was a …   Wikipedia

  • Utamaro — Yama Uba y Kintaro (con una copa de vino) Kitagawa Utamaro (喜多川 歌麿, Kitagawa Utamaro …   Wikipedia Español

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”